L’éthique de la biodiversité est-elle compatible avec une éthique de l’espèce ?

Troisième séance du séminaire de philosophie contemporaine (coordoné par Christophe Salvat) avec une intervention de Filipe Drapeau Contim (Univ Rennes, CAPHI EA 7463) intitulée « L’éthique de la biodiversité est-elle compatible avec une éthique de l’espèce ? »
Résumé : Forgé au milieu des années 1980, le concept de biodiversité occupe désormais une place centrale dans les politiques environnementales, au point de détrôner le vieux concept de nature jugé obsolète ou moins fréquentable. Tout comme ce dernier, le concept de biodiversité se voit doté d’une charge normative : la biodiversité d’un ensemble donné, qui peut être un écosystème, une région biogéographique ou la biosphère dans son entier, est une propriété que l’on doit chercher à conserver et même à promouvoir. Ce rôle normatif trouve son expression la plus forte dans l’éthique de la biodiversité qui transparaît aussi bien sous la plume des biologistes de la conservation (Soulé 1985) que dans les textes légaux (CDB 1992) ou les rapports de l’IPBES. J’entends par là une éthique qui attribue à la biodiversité (i) une valeur intrinsèque et non pas seulement instrumentale ; (ii) une valeur primitive qui n’est pas dérivée de la valeur des individus, espèces ou écosystèmes qui la composent. Je ne chercherai pas ici à fonder ou justifier l’éthique de la biodiversité mais à examiner son rapport avec l’éthique de l’espèce selon laquelle chaque espèce a une valeur intrinsèque, qui a longtemps inspiré les politiques de conservation. Je tâcherai de montrer que l’éthique de la biodiversité entre en tension avec l’éthique de l’espèce sur au moins deux points : 1°) La valeur intrinsèque des espèces est affaire de degré dans ce nouveau cadre, toutes les espèces ne se valent pas. 2°) La valeur intrinsèque d’une espèce est déterminée par certaines de ses propriétés extrinsèques (relationnelles) et contingentes. Je montre que cette divergence entre les deux éthiques n’est pas que théorique et qu’elle amène à réviser, à tort ou à raison, le rang de priorité de chaque espèce en matière de conservation.