AAC : L'athéisme et le sens de la vie
Appel à communications
L’un des traits caractéristiques majeurs de la tradition de la pensée occidentale est l’enracinement de ses structures fondamentales de significativité dans la transcendance, comme l’a montré notamment Hans Blumenberg. Depuis l’établissement du christianisme, cette significativité est garantie par un Dieu transcendant. Cette dépendance radicale de la transcendance comme ressource ultime du sens devient particulièrement évidente avec l’avènement de la modernité qui provoque la fragilisation de la foi chrétienne et l’érosion de l’ordo médiéval. A mesure que la métaphysique de l’ordo s’érode, prennent place la prise de conscience croissante de l’autonomie humaine et la reconnaissance de la agency humaine. Ces bouleversements sont lourds de conséquences. Le célèbre aphorisme de Nietzsche déclarant la mort de Dieu illustre avec la plus grande acuité le défi posé par cette révolution de paradigme. Nous nous trouvons, comme le formule Jean-François Mattéi, face à une « crise du sens », la notion de sens étant à comprendre ici dans sa double acception de signification et d’orientation. Toute la structure métaphysique de la tradition platonico-chrétienne s’effondre et l’humanité (occidentale) se voit face au besoin urgent de trouver de nouvelles ressources de génération de sens. Or, les crises à répétition qui caractérisent l’histoire de la modernité, et tout particulièrement la propagation du nihilisme à la fin du XIXe siècle et des idéologies nihilistes du XXe siècle illustrent avec insistance que le monde occidental a le plus grand mal à relever ce défi. Alors que Nietzsche postulait de devenir nous-mêmes les créateurs de nouvelles valeurs et que Søren Kierkegaard a tenté de répondre à la perte de l’assurance métaphysique en posant Dieu comme une vérité subjective, Martin Heidegger a tenté de retrouver l’« entièreté » perdue du Dasein, et donc un sens authentique de la vie à partir de l’anticipation de notre propre mort. Or, c’est peut-être – et paradoxalement – le Mythe de Sisyphe d’Albert Camus qui rappelle de la manière la plus éloquente la dette de la modernité envers la tradition métaphysique quant aux ressources de sens : la révolte revendiquée par Camus comme l’attitude à adopter face à l’absurde ne peut se comprendre qu'avec comme toile de fond ce qui a été perdu, et elle culmine dans l’affirmation que la vie est d’autant mieux vécue qu’elle n’a pas de sens.
Contrairement à la tradition continentale, la philosophie analytique a longtemps négligé les questions relatives au sens de la vie. Cela a commencé à changer depuis le tournant du millénaire qui a vu émerger un niveau discours, en réexaminant ces question philosophiques « classiques » dans le contexte d’un monde pluraliste et post-séculier. Le colloque « L’athéisme et le sens de la vie » vise à explorer les réponses données aux défis posés par le contexte « post- métaphysique » du monde contemporain et à discuter de nouvelles perspectives de sens. En abordant explicitement la question du sens en lien avec l’athéisme, nous souhaitons détacher la question des présuppositions que sous-tend le cadre théiste afin d’aborder des questions telles que : Quel est le sens du sens au-delà du théisme ? Comment le sens peut-il être compris dans une vision naturaliste du monde? Les discours théistes classiques sur le sens, sont-ils influencés par des biais culturels? Nous sollicitons ainsi des propositions de communication qui peuvent porter, entre autres, sur les sujets suivants :
- La relation entre le sens de la vie et l’athéisme, le naturalisme et/ou le sécularisme ;
- Le sens de la vie dans la philosophie de la religion (en particulier dans des perspectives non-théistes) ;
- Le sens du sens ;
- Athéisme, absurdité et nihilisme ;
- Athéisme et antinatalisme ;
- Théories non-occidentales sur le sens (ou l’absence de sens) ;
- Communications sur l’actualité d’auteurs « classiques » tels que Kierkegaard, Camus, Sartre pour adresser la question du sens dans la modernité tardive.
Conférenciers invités
- Fiona Ellis – Professor for Philosophy, University of Nottingham, UK
- François Jullien – Professeur émérite de l'université Paris-Diderot et directeur scientifique de l'association Dé-coïncidences, FR
- Philip Kitcher – John Dewey Professor of Philosophy, Emeritus, Columbia University, US
- Thaddeus Metz – Professor for Philosophy, University of Pretoria, ZA