« La métaphore du corps comme vêtement tissé par l’âme dans le Phédon : une métaphore platonicienne ? »

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Je me propose d’explorer la signification de cette métaphore dans le Phédon, en prenant comme fil directeur la question suivante : dans quelle mesure cette métaphore est-elle platonicienne ? C’est une question double, qui consiste d’abord à se demander dans quelle mesure Platon est bien, comme on l’a supposé en premier lieu, la véritable source de cette métaphore : ne se contente-t-il pas, plutôt, de reprendre une image déjà existante, en particulier dans la tradition orphico-pythagoricienne, afin de mieux discuter cet héritage. Mais cet arrière-plan, indéniable, ne suffit pas pour autant à rendre compte de la complexité que la métaphore vestimentaire acquiert dans le Phédon, par la superposition d’une seconde image, celle du tissage : dans cette mesure, on pourra dire la métaphore est bien de fabrication platonicienne. Mais Platon ne la fabrique-t-il que comme on fabriquerait un “homme de paille”, pour prêter à un adversaire de Socrate une conception bancale qui serait aisée à écarter ? De là le deuxième pan de cette question du caractère “platonicien” de la métaphore vestimentaire : qu’est-ce qui, en elle, explique qu’elle ait pu être extraite par les néoplatoniciens de ce contexte polémique, pour être remotivée comme une métaphore authentiquement platonicienne ? Pour répondre à cette question, nous tenterons cette fois de faire non pas une genèse externe, mais une genèse interne de la métaphore. Car, quoique l’objection de Cébès constitue apparemment son seul lieu d’apparition dans le Phédon, cette apparition est pourtant préparée, en amont de l’intervention de Cébès, par petites touches discrètes : en les relevant, il sera possible de montrer que Cébès ne fait en réalité que reprendre, en les réagençant, des éléments du discours de Socrate, pour mieux retourner contre lui l’image finale de l’âme-tisserande. Cette source socratique de l’image explique qu’il soit possible de proposer, à partir du Phédon lui-même, une compréhension platonicienne de la métaphore vestimentaire, qui rendrait justice aux propos de Socrate mieux que ne le fait Cébès – c’est du moins ce que j’essaierai de faire dans un dernier temps, en examinant ce qui préfigure ses reprises néoplatoniciennes.

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